Ligne(s) d’horizon

Spectacle sans paroles, *Ligne(s) d’horizon* explore la relation sensible entre le geste, la matière et l’apparition des formes. Le papier, support ancestral de la création, en devient le protagoniste principal, révélant ses reliefs, ses fragilités, ses tensions. À travers lui, le spectacle fait dialoguer peinture, danse et théâtre d’objet dans un espace poétique partagé.

Dans cette zone « entre » le visible et l’imaginé, le spectacle propose une expérience où l’image se fait écriture, et où l’écriture devient paysage. Il ouvre un lieu d’attention, de lenteur et de transformation, où la matière révèle ses métamorphoses sous les yeux du public.

Le récit

Un personnage, seul, trace une ligne. Cette ligne s’étire, devient horizon, devient mot, devient histoire. À partir de ce geste premier, deux corps apparaissent, passeurs de l’imaginaire, évoluant dans un espace de papier et d’encres, guidés par l’acte créateur du premier personnage.

Le spectacle met en jeu un va-et-vient entre le réel et la projection intérieure : le froissement du papier, l’empreinte de l’encre, le mouvement du pinceau, la naissance des formes. Tout se joue dans l’entre-deux, dans ce moment fragile où le trait hésite encore entre dessin et écriture.

Peu à peu, un monde s’ouvre, les figures se déplient, une présence surgit. Le fil de l’imaginaire prend corps. Et le public accompagne cette création en train de se faire, comme on suit la naissance d’une pensée.

Dans la continuité de *Talon d’argile* et de *Poisson Pêcheur*, *Ligne(s) d’horizon* propose un voyage visuel et sonore qui questionne l’acte de créer — et ce que nous mettons en jeu lorsque nous faisons apparaître une image, un mot, un monde.

Texte de Jean-Pierre Cramoisan

Jean-Pierre Cramoisan est auteur de romans et de nouvelles publiées dans de nombreuses revues. Ancien critique d’art et de théâtre, son écriture accompagne ici l’expérience sensible de *Ligne(s) d’horizon*.

Ligne(s) d’horizon est une aventure théâtrale où les formes et les couleurs s’agrègent dans un continuel jeu de métamorphoses. Au commencement, avant que tout ne s’articule, il y a le livre, les pages, le vent.

Le vent devient lecteur et musique.

Puis le silence révèle l’inerte.

Quelque chose va se jouer, se nouer, se dénouer. Les images — donc les idées — convoquent des créatures fantasmagoriques issues du tréfonds de notre inconscient collectif. Elles nomment le monde, l’interpellent, lui confient la poésie des longues inquiétudes.

De l’immobilité naît le mouvement. Ce paradoxe contient la matière brute de nos interrogations. Dans chaque mot se tiennent : présence, absence, réalité, passage — et l’acte de créer.

Comme le moteur immobile d’Aristote, *Ligne(s) d’horizon* place son axe au centre du monde. Les choses se mettent à tourner. Les formes apparaissent. Ce qui n’était pas devient.

Le spectacle convoque des masques, des figures, des silhouettes qui semblent venir d’un autre temps : médecins aux becs de peste, personnages roulants, femme dansant jusqu’à l’effacement.

Les mondes se superposent. Nous sommes et ne sommes pas. Nous naissons et renaissons dans chaque image.

Le mouvement est perpétuel, porteur d’avalanches d’images qui cherchent à conquérir les formes, les signes, les couleurs.

Ce qui est vrai est possible. Ce qui est impossible l’est aussi.

*Ligne(s) d’horizon* avance librement entre réel et imaginaire, ouvrant des parenthèses, des bulles de couleurs, des espaces où germe l’inexploré.

Il cherche à déchiffrer l’alphabet d’un monde qui s’écrirait à l’envers sur un écran noir.

Étrange, onirique, parfois absurde — mais toujours proche de nous — *Ligne(s) d’horizon* demeure à l’orée de notre humanité, là où l’image devient langage.

Jean-Pierre Cramoisan